Sujet : [EQUIPEMENT] Saffres

De : Sophie Cauvin-Lucchini
courriel : cauvin-lucchini@wanadoo.fr
Message envoyé le vendredi 19 octobre 2001 à 04:14


A : Jean-Paul Peeters, Président
Fédération Française de la Montagne et de l'Escalade
8-10 quai de la Marne
75019 Paris
tél. : 01 40 18 75 50 - fax : 01 40 18 75 59
courriel : jp.peeters@ffme.fr
[original de ce courrier envoyé par courrier postal]


Bondy, le 18 octobre 2001


Monsieur le Président,

Vous avez récemment fait réaliser un travail de mise en sécurité de la falaise de Saffres, falaise sportive vitrine du savoir-faire français en matière d'équipement sécurisé et sportif des sites naturels d'escalade.

Ce n'est que lors du week-end des 22 et 23 septembre, de retour à Saffres, que nous avons découvert avec surprise le résultat du chantier et, si vous avez l'occasion d'aller constater de visu le travail effectué, peut-être serez-vous également étonné.

Une recherche sur Internet (cf. note 1) fait ressortir que la FFME a choisi d'assumer la mise en sécurité des équipements d'escalade de la falaise de Saffres, c'est pourquoi, en tant que membre du Club Alpin Français, acheteuse de topos et usager de la falaise de Saffres, je me permets de vous présenter ces quelques remarques, que je souhaite constructives, partagées avec d'autres habitués de la falaise de Saffres.

Les conseillers techniques de la FFME pourront contrôler sans peine le bien-fondé de nos constatations.


Rappel liminaire :

On se reportera aux excellents topos de la falaise de Saffres pour obtenir des détails précis sur l'histoire de son équipement, mais rappelons néanmoins que Saffres est certainement la falaise sportive la mieux équipée de France, voire d'ailleurs, et cela grâce au travail intelligent et techniquement réfléchi des deux "coordinateurs", Jean Wiedmer et Jean-Yves Gerbet. On gardera en mémoire que chaque voie possède, en sortie, une broche scellée, permettant de se vacher, fixée à côté d'une broche scellée servant de support à un Moulinox (la "queue de cochon" en inox) dans laquelle on passe la corde pour redescendre. Les broches peuvent supporter un choc de plus de deux tonnes et le Moulinox neuf supporte environ 900 kg en utilisation statique (voir les fiches techniques des topos de Saffres).


Constats :

Nous avons découvert des petits bouts de chaînes de quelques maillons (voire d'un seul maillon) de chaîne, d'un type que l'on peut trouver en supermarché ; la soudure non-ébavurée des maillons est un signe distinctif permettant de rapidement jauger sa robustesse. On la trouve dans toutes les quincailleries de France mais elle n'est pas recommandée pour les "bons" relais. Pour réaliser de bons relais, on utilise de la chaîne de palan (chaîne grade 80, coef. 4, fil de 8, résist. 2 tonnes). Plus étrange encore, certains montages ont été effectués avec seulement deux maillons à vis (voir photo jointe : cliquez ici).

Les extrémités des courtes chaînes ont été reliées, d'un côté, à la broche scellée et, de l'autre, directement au Moulinox sans passer dans la deuxième broche, par des maillons à vis (bon choix : go8) dont le pas de vis a été bloqué avec du Sikadur. Hélas, les deux broches utilisées sont à même hauteur. Vos équipeurs ont utilisé la broche de sortie (conçue pour se vacher) pour fixer le maillon à vis de la chaîne alors que cette broche n'a jamais été prévue pour être reliée avec l'autre broche de sortie supportant le Moulinox, sinon, elle aurait été fixée au-dessus et décalée, et non à même hauteur. L'équipement de Saffres fut trop bien pensé au départ pour que soit commise l'erreur de fixer une chaîne sur deux points à même hauteur.

Si quelqu'un avait souhaité réaliser sérieusement le doublement de l'amarrage pour des raisons de sécurité, il aurait dû alors fixer un deuxième point d'amarrage en léger décalage au-dessus du premier point pour ensuite relier les deux points et le Moulinox ensemble, mais en aucune façon à même hauteur comme c'est désormais le cas à Saffres pour plus de 90% des relais sommitaux.

Sans entrer dans des détails de résistance des matériaux et de calculs de force, l'équipement qui vient d'être mis en place est le parfait exemple de ce qu'il ne faut surtout pas faire (voir les rubriques de conseils de confection d'un bon relais dans n'importe quel ouvrage sérieux se rapportant à ce sujet, comme par exemple "Aménagement et équipement d'un site naturel d'escalade" (éd. FFME/Cosiroc), 1994).

On note qu'il devient désormais difficile de passer la corde dans le Moulinox car le go8 pend dans l'anneau du Moulinox et obstrue partiellement le passage pour la corde, ce qui induira certainement les utilisateurs peu aguerris aux techniques de progression et de protection à utiliser inconsidérément le bout de chaîne pour se vacher et donc à tirer sur le Moulinox dans le sens d'une éventuelle déformation à l'ouverture. Ce type d'accident est dorénavant à craindre.

La broche scellée servant d'amarrage au Moulinox ne subit pas de choc de facteur 2 et n'est pas soumise à une abrasion par frottement. Le Moulinox ne subit pas non plus de choc mais il est soumis à une usure proportionnelle à la fréquentation de la voie. Les Moulinox des voies cotées 6a/6b et en dessous subissent une forte usure. La pose des chaînes va engendrer chez les moins observateurs une fausse impression de sécurité, étant donné le "brillant neuf" de l'installation, et ils oublieront de rester vigilants sur l'usure du Moulinox pouvant aller jusqu'à 20%.

Il est important de souligner que si quelque chose doit céder au niveau de l'amarrage, c'est au point d'usure causé par le passage de la corde, c'est à dire le point bas du Moulinox. En cas d'ouverture du Moulinox par usure, rien, dans le montage réalisé, ne peut empêcher la chute de la personne encordée.


Suggestions :

Il serait donc plus urgent de songer à changer les Moulinox ayant subi une usure supérieure à 10%, et ils sont nombreux (voies cotées 6a/6b et en dessous). Jean Wiedmer et Jean-Yves Gerbet avait déjà changé les Moulinox les plus usés il y a quelques années et ce travail est à entreprendre régulièrement en raison de la forte fréquentation de certaines voies.

Avec l'expérience, il apparaît que la méthode la plus fiable pour remplacer les Moulinox usés est de préparer un nouveau Moulinox en rond de 10 ou plus, toujours en inox (cf. note 2), sortir le Moulinox usé, passer le Moulinox neuf dans la broche, le retourner vers le haut avec une pince-étau et maintenir en position rapprochée la zone à souder puis souder.

Si un quelconque point supplémentaire et une chaîne devaient être rajoutés pour former un bon relais (un point plus haut que l'autre et décalé avec utilisation, de préférence, d'un spit de 12 à expansion ou d'une broche à sceller), il est bien évident qu'il faudrait faire cet ajout avant de songer à changer les Moulinox usés car il conviendrait d'emprisonner le dernier maillon de la chaîne et le point d'amarrage avec le Moulinox neuf afin d'éviter la dépense d'un maillon rapide supplémentaire.

Nous espérons que la technique de relais que vous avez employée ne sera prise en exemple par personne et que tout cela n'est qu'un malheureux accident de communication entre commanditaires et exécutants. Sans bonnes indications, tout le monde peut être amené à faire un mauvais choix de solution.

Pour conclure, je me permettrai de répéter que nous sommes particulièrement inquiets pour la sécurité d'une partie des utilisateurs de la falaise. Jusqu'alors, il ne pouvait pas y avoir d'erreur d'interprétation sur l'âge de l'équipement, mais, désormais, à la vue des chaînes et maillons neufs, une majorité des pratiquants peu habitués à se montrer attentifs à l'équipement, notamment les grimpeurs d'un niveau modeste, pensera utiliser un équipement vérifié et approuvé par la FFME. Or les Moulinox usés et très usés n'ont pas été changés et représentent réellement le point le plus faible du relais. Vous comprendrez notre souci et voudrez bien, j'en suis sûre, tenir compte de nos remarques collectives pour réorienter vos priorités de ré-équipement afin de mettre en conformité les relais-Moulinox à deux points d'amarrage.

J'espère que tous, nous pourrons suivre, sur votre site web par exemple, l'évolution positive que la FFME va donner au chantier de Saffres et, dans l'attente de vous lire, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, mes salutations distinguées,


Sophie Cauvin-Lucchini

Note 1 - Références à vos missions et à vos projets de ré-équipement de la falaise de Saffres se trouvent sur les pages http://ffmebourgogne.free.fr/NewFiles/Plan%20quad3.html et
http://ffmebourgogne.free.fr/NewFiles/CRsom.html
(cliquez ici pour revenir au corps du texte)

Note 2 - Voir les ateliers de mécanique spécialisés dans le travail de l'inox - Jean Wiedmer pourra certainement vous communiquer des adresses de professionnels compétents
(cliquez ici pour revenir au corps du texte)

PJ. : photo du montage réalisé sans changement du Moulinox cliquez ici


Copies à :

Georges Eschalier, Président
FFME - Comité Régional de Bourgogne
aux bons soins de Dominique Chagny, Vice Président délégué

Dominique Chagny, Vice Président délégué
Responsable de la communication
FFME - Comité Régional de Bourgogne
Le Bourg
58300 Sougy sur Loire
tél/fax : 03 86 50 14 45
courriel : dchagny@club-internet.fr
web : http://ffmebourgogne.free.fr/

Frédéric Prochazka, Cadre technique responsable des cadres du CR Bourgogne
11 rue Bordot
21000 Dijon
tél : 03 80 38 07 88 / 06 82 03 48 35
fax : 03 80 77 03 16
web : http://ffmebourgogne.free.fr/NewFiles/cadres.html

Vincent Haillot, Président
FFME - Comité Départemental de la Côte d'Or
6a avenue de l'Ouche
21000 Dijon
web : http://ffmebourgogne.free.fr/NewFiles/Cdsom21.html



haut de la page